Il ne faut jamais dire jamais

PAR Émilie Bilodeau

2021-05-05
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La naissance de mon fils m’a, bien entendu, comblée en tant que mère. Du côté professionnel en revanche, je ressentais un vide. J’avais envie d’accomplir quelque chose de plus grand, mais je ne savais pas quoi exactement.

Un soir, lors d’un souper entre amis, nous discutions de nos rêves, de nos ambitions et de nos regrets. J’ai alors lancé, « Ha! Si c’était à refaire, j’écouterais mon père et je deviendrais ingénieure. ». Mon ami m’a regardé interrogatif et m’a demandé ce qui m’empêchait de le faire. Je croyais que c’était évident! À 33 ans avec un fils de 15 mois en plus, mon chemin était déjà tracé. Nous avons longtemps argumenté sur le sujet et en sommes venus à la conclusion que ce n’était pas irréalisable.

Dès mon réveil le lendemain, j’étais devant mon ordinateur sur le site de l’ÉTS à calculer le coût des études et surtout le temps que ça me prendrait pour y arriver. Je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas une idée si folle. Juste à y penser, je me sentais déjà motivée et pleine d’énergie. Après de longues discussions avec mon conjoint, nous avons décidé d’embarquer à pieds joints dans cette aventure.

Le lundi en arrivant au travail, j’ai couru dans le bureau de mon patron lui parler de mon projet farfelu. Sa réaction m’a vraiment surprise puisqu’au lieu d’être mécontent, il m’a appuyé. Il m’a aussi donné de précieux conseils. Le lundi soir, j’avais déjà préparé ma demande d’admission.

Une fois qu’elle fût acceptée, ce n’était que le commencement. J’avais de la difficulté à croire que c’était réel. J’allais un jour être ingénieure…

Au début, je travaillais à temps plein et suivais deux à trois cours de soir chaque session. C’était vraiment difficile. Souvent, on me demandait comment je faisais pour y arriver et je ne savais pas quoi répondre. J’étais tellement fatiguée. Je partais très tôt le matin et revenais très tard le soir. Je ne voyais mon fils que très rapidement le matin et la fin de semaine. Sans mon conjoint, ça aurait vraiment été impossible. Au bout d’une année, nous étions épuisés de ce rythme, mais je ne voulais pas pour autant abandonner mes études. Nous avions la certitude que mon retour à l’école était la meilleure chose qui soit, non seulement pour moi, mais aussi pour notre famille. Nous avons donc revu notre budget et pris la décision que je me consacrerais à temps plein à mes études.

À partir de ce moment, nous avons réussi à trouver notre routine familiale et tout est devenu plus facile. Je m’occupais des déjeuners, mon conjoint du transport à la garderie et le soir nous divisions les tâches entre nous. Une fois bébé couché, je descendais au sous-sol avancer mes travaux. Le travail d’équipe entre moi et mon conjoint a vraiment été la clef pour y arriver.

Évidemment, il y a eu des périodes plus difficiles. J’ai parfois aussi été dans l’obligation de manquer certains événements importants dans la vie de mon fils pour finir des devoirs ou pour préparer des examens. Nous avons tout de même réussi à bien nous en tirer.

L’arrivée de la pandémie a bien entendu eu certains effets sur notre fragile équilibre. Je n’aurais jamais imaginé suivre des cours ou faire des examens avec mon fils près de moi. C’est, disons, un tout autre niveau de défi. Nous avons serré les dents et continué d’avancer. Après tout, c’est un moment difficile à passer pour tout le monde. Ce n’est pas le moment de lâcher!

Me voilà maintenant, à 37 ans, je terminerai mon baccalauréat en génie de la construction au même moment où mon fils fera son entrée à la maternelle. Je suis très fière de ce que j’ai accompli. J’ai réussi à me rendre jusqu’au bout et même à performer dans mes cours. Je me suis impliquée dans la vie étudiante et fais de nombreuses rencontres intéressantes. J’ai tout de même le sentiment d’avoir sacrifié une partie de moi pour y arriver puisque j’ai raté certains épisodes de la vie de mon fils. Je me console en me disant que je serai maintenant 100% disponible pour lui et que mon parcours pourra lui servir d’exemple. Il m’a déjà dit qu’il veut aller à « l’école de maman » quand il sera grand!