La vie d'une autiste à l'ÉTS

PAR Mégane Sylvestre

2021-04-02

Être une fille à l’ETS, c’est déjà être une minorité, mais être autiste en est une autre. En effet, seulement 20 personnes sont ouvertement diagnostiquées dans la population étudiante, cela représente moins de 0.2%. Ce qui est encore plus rare, c’est d’être les deux, une fille (agender) et autiste. Eh oui, ça l’existe, même si la représentation est habituellement l’homme cis blanc obsédé par les trains! Pourquoi sommes-nous mal représentées et peu entendues? La plupart des filles se font diagnostiquer à l’âge adulte, puisque les tests sont typiquement faits d’un point de vue masculin. Nous, les filles, faisons aussi habituellement quelque chose que notre contrepartie masculine ne fait pas, soit de masquer qui nous sommes. Qu’est-ce que masquer? Ça signifie de changer nos habitudes, ce que nous aimons, comment nous agissons en faisant comme la majorité pour être normal. Depuis que nous sommes jeunes, nous demandons aux filles d’être parfaites et c’est pour cela, que même autiste, nous essayons d’atteindre cet idéal et nous avons l’air «normal». Mais qu’est-ce que la normalité ? J’aimerais dire que nous sommes tous différents et qu’elle n’existe pas, mais malheureusement, après des années d’analyse sur notre société, elle existe. La normalité se résume par ce que la majorité des gens fait ou représente.

L'autisme est pratiquement le contraire de ça. Il est difficile de décrire ce que c’est puisque c’est un large spectre, et comparativement à plusieurs autres handicaps, ce spectre est circulaire et non linéaire. Nous pouvons le comparer au spectre de la couleur, dont une multitude de sens ou actions sont hypo ou hyper. Ça n’existe pas être très autiste, ou peu fonctionnel, dire cela est blessant et sans sens. C’est comme dire que le rose est plus une couleur que le vert. Les deux ont des caractéristiques différentes, mais restent deux couleurs. Les autistes sont uniques, font partie du spectre et ils le sont tous tout autant. Pour continuer, parlons par exemple de la surcharge sensorielle que certains vivent. Tout d’abord, qu’est-ce que la surcharge sensorielle? Les autistes sont souvent hypersensibles, non seulement émotionnellement, mais au bruit, à la lumière, aux odeurs et au toucher. Je le dis souvent, mais comme mentionné plus haut même si certains sont hyper, d'autres sont hyposensibles et ne ressentent pratiquement rien au niveau des sens.

Pour les émotions, souvent nous croyons que les autistes sont zéro empathique, mais c’est faux. En général, les autistes ne comprennent pas leurs émotions et celles des autres, mais les ressentent probablement plus fort que n’importe quelle autre personne neurotypique. Il existe pour eux peu de zones grises, tout est souvent ressenti à l’extrême.

Mais revenons au sujet principal, comment une fille avec un cerveau divergent des autres se sent et vie à l’ÉTS? En général, les étudiants sont ouverts d’esprit, c’est vraiment ce qu’on peut féliciter la génération Z d’être. Ils ne sont pas tous au courant de ce qui peut blesser comme traiter un comportement comme étant « autiste », mais la plupart essaye de s’améliorer. Le fait que les cours soient en petits groupes, au lieu d’ auditoriums comme dans la majorité des universités, fait en sorte que l’ambiance de classe est mieux adaptée. Par contre, ce qui est plus compliqué sont les aires de repas qui sont bondées et d’avoir peu d’espace de repos où il n’y a pas de surcharge sensorielle.

De plus, en général, l’école est conçue pour les personnes neurotypiques, soit ayant un cerveau de configuration « normal ». Ainsi les cours, les examens et les sorties sociales peuvent être difficiles. Par exemple, pour une personne autiste, il est fréquent de ne poser aucune question ou d’en poser beaucoup trop. Certains oublient qu’il y a d’autres personnes qui existent autour d’eux et pensent seulement à leurs besoins et questionnements. D’autres ne sont pas à l'aise en public. Par ailleurs, l’anxiété est une comorbidité très fréquente avec les troubles du spectre de l’autisme, et cela peut empêcher les gens d’être eux-mêmes en réfléchissant trop aux impacts de leurs actions et en se faisant beaucoup de scénarios. La vitesse de réflexion est souvent très rapide chez les autistes. Ils pensent alors sans arrêt et cela peut être très fatigant. Ce qui amène facilement à une autre comorbidité, soit la dépression. La dépression arrive soit par un « burnout » de vouloir être parfait et normal ou par le manque d’amis par leur intérêt restreint et la difficulté qu’entretenir des relations sociales. Tout ce qui est construction sociale, comme les amis, les relations amoureuses, les genres, les règlements sont incompréhensibles pour la majorité des autistes. Ainsi, beaucoup s'identifient comme non binaires. Finalement, si le pourquoi et le comment d’un mandat ne sont pas bien expliqués, celui-ci a peu de chance d’être exécuté.

Pour ma part, mon parcours scolaire est assez typique. Un primaire avec tellement d’insouciance que je ne voyais pas l’intimidation que je recevais. Un secondaire où tout le monde me voyait comme la fille trop gentille et dans son monde de licorne pour faire quoi que ce soit. Un cégep où j’ai pu découvrir des gens qui appréciaient pour de vrai ma personnalité. Et un début d’université stressant, mais bien entouré. Personne n’avait vraiment suspecté que j’avais un problème, que j'étais différente, car je le masquais bien et j’avais des bonnes notes. Dans notre génération, si nous sommes bons à l’école, personne ne croit que nous avons des problèmes. Aussi, je voulais être parfaite. Je ne pouvais donc pas parler de mes difficultés et de mes pensées réelles aux autres personnes, car je sentais que j’allais être démasquée. Après un burnout, j’ai compris qui j'étais et j’ai commencé à arrêter de me cacher. Je me suis ouverte à moi-même et j’ai commencé à apprécier mes défauts, ce qui me permet d’être aujourd’hui qui je suis vraiment. Je suis actuellement en génie électrique, après avoir fait le cursus* qui avait été très facile à mon avis, mais je me rends compte de la difficulté de l’université et que ce n'est peut-être pas pour moi. Je prends alors moins de cours et je me concentre à être chargée de laboratoire au cursus. Être chargée me donne un défi de socialisation, ce qui n’est pas toujours facile, mais je sens que je m’améliore tout en restant moi-même. L’électricité me permet de m’ouvrir à un Nouveau Monde et me connecte avec la vibration du monde. Tout est complexe et magnifique pour moi. Pendant ce temps, l’informatique permet d’utiliser mon côté logico-mathématique à un service utile et non pour calculer des choses bidon de la vie. Pour finir, dans ma vie courante, j’essaie de me connecter à la vibration de l’univers et pratiquer la religion de mes ancêtres celtes par la magie et la science.

Aujourd’hui, nous sommes le 2 avril, journée de sensibilisation de l’autisme. Par contre, les autistes ne veulent pas qu’on soit sensibilisé à eux, qu’on les traite comme des objets fragiles à protéger, mais que la population les accepte. Ainsi, célébrons, la journée de l’acceptation des autistes aujourd’hui. Cela est fait par écouter ce que les autistes ont à dire par rapport à ce qu’ils ressentent et non se fier à des groupes tels autism speak. Ce groupe est pratiquement l’analogue des camps de conversion d’homosexuel pour les autistes. Les autistes essayent de reprendre la parole, écoutez-les! Ne portez pas de bleu pour la sensibilisation, mais plutôt du rouge pour l'acceptation. Aussi rejetez le symbole du morceau de casse-tête. Les autistes ne sont pas une pièce perdue qui doit se conformer aux normes de la société. Ils sont plutôt un tout avec une infinité de possibilités et qui s’étend sur un spectre large comme la lumière. Ainsi, le symbole à privilégier est l’infini avec les couleurs de l’arc-en-ciel.

J’espère que vous comprenez mieux la vie d’une autiste et que votre ouverture d’esprit est plus grande. Ainsi, il est préférable d’arrêter de juger les adultes qui agissent encore comme des enfants et aiment ce qui est relié à l’enfance, d'accepter ceux ne sachant pas leur genre, ceux qui dérange sans faire exprès (car ils ont besoin de bouger leurs mains pour se concentrer ou seulement se sentir bien), de ne demandez pas trop d’effort à l’autre pour entretenir une relation amicale ou amoureuse, et surtout de ne plus utiliser de mots relatifs à être retardé, mongol, spécial ou fou. Les autistes sont émotionnels, sans être des âmes fragiles et demande seulement d’être accepter pour qui ils sont sans avoir besoin de masque.