Une lettre aux ingénieures qui veulent inspirer sans toujours savoir comment
18% des ingénieurs du Québec sont des femmes.[1] 25% des femmes vivent de la discrimination, du harcèlement ou de l’intimidation au travail.[2] Au Canada, les femmes sont payées en moyenne 0.76$ par chaque 1$ gagné par un homme.[3]
Pourquoi est-ce encore ainsi? N’y a-t-il pas d’innombrables organismes qui font la promotion des femmes en génie? N’y a-t-il pas tellement de campagnes sur les réseaux sociaux pour changer les mentalités? Ce n’est pas que tous ces efforts ne sont pas efficaces, c’est plutôt parce que ce ne sont pas les seuls efforts nécessaires. Peu importe leur «reach», ces grandes initiatives ne peuvent pas toujours fournir l’interaction personnelle qu’il faut aux jeunes filles pour qu’elles s’identifient et s’engagent dans un chemin qui, disons-nous le, est un peu plus stressant que d’autres. Alors, ces efforts sont-ils en vain? Pas du tout, la plupart des initiatives ont un impact important et bien visible. Mais alors, comment peut-on catalyser le changement? C’est bien simple, en ayant des modèles féminins comme toi!
Selon une étude de 2018, les jeunes filles exposées à des modèles féminins voient leur intérêt pour les STIM augmenter de 20% à 30% par rapport à celles qui ne le sont pas.[4]
Mais, tu nous diras, tu n’es pas un modèle parce que tu ne fais rien de spécial. Détrompe-toi! Prends un instant pour repenser à ce qui t’as menée au génie. C’est souvent les choses qui nous arrivent personnellement qui orientent nos choix plutôt qu’un article sur Facebook. Pour nous, Natasha et Liliya, ça a été notre contact direct avec les sciences. Nous avons toutes les deux eu la chance de nous salir les mains en construisant des robots dans un club parascolaire dès le secondaire. C’est exactement là, avec nos drills dans les mains, qu’on a réalisé que c’était accessible à nous. On s’était toutes deux embarquées sans rime ni raison dans la Compétition de Robotique CRC (Natasha n’avait rien à faire après l’école et Liliya ne savait même pas ce que ça voulait dire « robotique »). On se considère chanceuses, puisqu’on n’a pas vraiment eu de modèle féminin qui a pavé le chemin pour nous, et si ce n’avait été d’un coup de tête on ne serait peut-être même pas en ingénierie aujourd’hui. Cette compétition nous a même tellement marquées, qu’on a toutes les deux décidé de s’embarquer bénévolement dans l’organisation Robotique CRC pour faire vivre la même expérience aux futures générations et que d’autres filles découvrent leur passion.
« Le pays manquera d’au moins 100 000 ingénieurs d’ici 2025 »[5] (Traduction libre)
Cependant, on ne devrait pas s’attendre à ce que chaque jeune fille, qui pourrait s’intéresser aux sciences sans le savoir, ait ce même coup de tête, surtout dans un contexte où on manque déjà cruellement d’ingénieurs et où la présence de femmes offrirait une richesse très tangible à l’ingénierie québécoise. Il y a des moyens éprouvés de permettre aux filles d’envisager plus facilement une carrière en STIM, dont l’exposition à des modèles féminins! Ça n’en prend pas autant que tu le crois pour le devenir, on a nous-mêmes choisi de consciemment agir comme des modèles pour les jeunes filles de notre entourage et on n’est pas des superwomen. Parfois, tout ce que ça prend, c’est d’être disponible et de vouloir partager tes expériences. On y croit tellement, qu’après plusieurs années dans Robotique CRC, on a décidé de démarrer la conférence annuelle Viser Ensemble, pour permettre à des filles de tous âges, mais surtout les plus jeunes qui y ont moins accès, de rencontrer des modèles féminins dans tous les domaines des STIM. Et ce qu’on reçoit comme retour, c’est que ça les aide réellement à s’imaginer ingénieures, scientifiques, programmeuses ou mathématiciennes! Tout ce qu’il leur fallait, c’était de voir de quoi il s’agit et d’avoir quelqu’un avec qui discuter et à qui poser des questions.
Donc, parle de sciences avec ta cousine, avec la petite sœur de ton ami.e, avec la jeune fille des amis de la famille, avec la fille du cousin de l’ami de ta mère! Montre lui comment résoudre un cube Rubik, explique lui comment allumer une DEL sur un Arduino, montre lui comment construire un pont avec des bâtons de popsicle, apprends lui à programmer son premier « Hello World! ». Les idées de projets ne manquent pas! Et si son intérêt est piqué, aide-la à s’orienter et à s’immerger dans ce qui lui fait briller les yeux. Tu peux l’aider à trouver un projet, un organisme, une activité qui lui permettrait de s’épanouir dans ce qui l’interpelle! Tu n’as pas besoin d’avoir tout fait pour l’aider à découvrir les sciences.
En gros, choisis d’être un vecteur de changement, même si tu crois n’exercer aucune force sur le monde (clin d’oeil) et tes efforts n’auront d’autre choix que de porter fruit!
Image dessinée par : Jeremy Webb
[1] http://bulletinetudiant.oiq.qc.ca/en/texte-presidente-anglais-2#:~:text=How%20do%20we%20compare%20to,its%20new%20engineers%20are%20women
[2] https://www.universityaffairs.ca/features/feature-article/the-engineering-gender-gap-its-more-than-a-numbers-game/
[3] https://www.catalyst.org/research/women-in-science-technology-engineering-and-mathematics-stem/
[4] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7511552/
[5] https://www.universityaffairs.ca/features/feature-article/the-engineering-gender-gap-its-more-than-a-numbers-game/