Stéréotypes scientifiques!

PAR Ilona Turnes

2021-12-25

Cher Père Noël,

Je suis Ilona, 23 ans, étudiante en ingénierie biomédicale à l’ETS à Montréal, et membre du merveilleux club étudiant « Les Ingénieuses ». Nous sommes un groupe de femmes passionnées, déterminées et douées, avec un objectif commun : Devenir ingénieures.

Je t’envoie cette lettre, car nous avons un vœu commun qui serait d’une utilité folle à notre domaine, mais aussi à la science en général, et crois-moi, nous le méritons! Alors cette année, laisse tomber les chocolats et les bijoux, notre plus grand souhait, le voici :

Faire disparaitre les stéréotypes de genre et faire des sciences un milieu égalitaire entre les hommes et les femmes !

Je sais, il s’agit d’un cadeau surprenant, mais j’espère que mes lignes vont toucher, conscientiser, et peut-être convaincre certains de devenir des alliés !

De la médecine à l’ingénierie, de la chimie à l’aéronautique, de la physique quantique à l’électrique, de la construction aux mathématiques, les domaines scientifiques sont vagues et offrent d’innombrables sujets captivants aux humains passionnés ! À tous les humains passionnés ? Le secteur des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) n’est-il pas pourtant surreprésenté par les hommes ?

On le sait pourtant, les genres n’ont aucun rapport avec les performances intellectuelles et même si ce constat semble absolument évident, il existe encore aujourd’hui en 2022 des biais de genre sexistes qui freinent les carrières des femmes scientifiques. Le concept de sciences demeure majoritairement conjugué au masculin et ces disparités se ressentent dans les chiffres :

  • Moins de 30 % des chercheurs dans le monde sont des femmes ;

  • Les femmes employées en STIM représentent 20% dans le monde (2018) ;

  • Au Canada, les femmes représentent moins d’un quart des personnes faisant carrière en STIM (2021) ;

  • 25 % de femmes en génie à la maîtrise et 26 % au doctorat à l’ÉTS (2021).

Puis comment avoir confiance en soi quand dès notre jeune âge on entend :

  • Les femmes ont plus de difficultés en mathématiques ;

  • Les femmes ont du mal à se représenter des objets en 3D ;

  • Les garçons s’occupent des calculs car ils ont la rigueur, les filles de la rédaction car elles ont une belle écriture ;

  • Elle a été sélectionnée grâce à son physique ;

  • Les femmes sont trop sensibles pour faire du leadership ;

  • S’il n’y a pas beaucoup de femmes ingénieures, c’est une question de compétence.

La discrimination de genre trouve ses origines dans la période Néolithique où les premiers rapports de force ont assigné les hommes et les femmes à des places déterminées. 12000 ans plus tard, on entend malheureusement encore beaucoup de préjugés sexistes. Et cela participe à la disparité : les filles ne se sentent inconsciemment pas capables d’entamer des études scientifiques, ou simplement pas attirées par des domaines « trop masculins » comme la construction, la mécanique ou l’informatique puisque cela ne leur a jamais été exposé.

Ce sont des talents que l’on n’exploite pas, des passions qui ne se développeront jamais, par peur et par conformisme. Et parmi celles qui ont la chance de s’engager dans un métier des STIM, certaines connaîtrons en tant que minorité les remarques sexistes de leur collègue, l’inégalité salariale, le syndrome de l’imposteur et l’autocensure.

Le documentaire « Picture a Scientist » illustre parfaitement la minorité féminine dans le monde des sciences. Ce qui personnellement m’a énormément étonné, c’est que la majorité des personnes (femmes et hommes) associent de façon systématique et inconsciente (mémoire sémantique) les sciences aux hommes. Et toi, si on te demande de dessiner un scientifique, dessines-tu une femme ? Je conseille vivement ce documentaire tellement riche d’expériences.

Je découvre progressivement dans ma jeune carrière d’ingénieure, certaines injustices de mon domaine. Les biais de genre sont de sérieux obstacles à l’égalité car ces idées préconçues assignent arbitrairement aux femmes et aux hommes leur rôle et leur métier ce qui creuse les inégalités. Arrêtons de stéréotyper la science et permettons aux jeunes femmes talentueuses de s’épanouir en sécurité, de devenir directrices d’entreprise et cheffes de chantier sans avoir à se justifier, si c’est ce qui les fait vibrer ! Le physique et le genre n’ont rien à voir avec le talent, et le sexisme doit cesser !

Comment on lutte contre ces clichés ? En augmentant la mixité ! Des équipes paritaires permettent assez logiquement d’ouvrir les champs de vision et ainsi proposer des solutions plus inclusives. Seulement, la parité est encore loin de couvrir tous les domaines, il est donc nécessaire d’identifier les facteurs qualitatifs qui dissuadent les femmes de faire carrière en STIM et de corriger les biais. Il est ainsi important d’exposer les jeunes filles aux sciences, au même titre que les jeunes garçons.

Cher lecteurs et chères lectrices de cette lettre, je vous souhaite de merveilleuses fêtes de fin d’année, et énormément de réussite, ne remettez jamais en doute vos objectifs, vos capacités et votre place en sciences !


Ilona Turnes

Étudiante en génie biomédical à l’ÉTS  (Montréal)

Membre des Ingénieuses de l’ÉTS


Source image : Les sciences genrées : un mythe ou une réalité ? -. 31 août 2018, https://lascienceenpassant.com/index.php/2018/08/31/les-sciences sont-elles-genrees/.CloseDeleteEdit